Réinventer l'expérience artistique avec l'intelligence artificielle
Capturer l'essence de la vie dans une capsule temporelle, figeant un instant dans l'éternité, telle est la quête de l'Art. Mais que se passerait-il si les œuvres d’art pouvaient non seulement capturer la vie, mais aussi la recréer ?
Aujourd'hui, grâce aux avancées fulgurantes de l'IA, les tableaux, jusque-là immobiles et silencieux, prennent vie, ouvrant ainsi une nouvelle dimension d’interaction entre l’art et le spectateur. Explorons alors comment l'IA permet de donner vie aux toiles, créant des expériences immersives inédites.
L'Émergence des Tableaux Vivants : Quand l'IA Transforme l'Art
Les "tableaux vivants" ne sont plus un concept de science-fiction. Grâce à des techniques d'IA avancées comme le deep learning et les réseaux neuronaux, il est désormais possible d'animer des peintures classiques et contemporaines, leur insufflant un souffle de vie. Ces technologies analysent les traits, les mouvements potentiels et même les émotions exprimées dans les œuvres pour les transformer en scènes animées.
Le principe de l'animation par IA
L'animation des tableaux s'appuie principalement sur des algorithmes d'apprentissage profond (deep learning) et de vision par ordinateur. Ces algorithmes sont formés sur d'énormes bases de données d'images et de vidéos, leur permettant de comprendre et de reproduire des mouvements réalistes. Par exemple, un portrait pourrait être animé pour sourire, cligner des yeux, ou même prononcer des paroles, tandis qu'un paysage pourrait voir ses éléments (arbres, rivières, nuages) s'animer et évoluer comme dans la réalité.
C'est avec l'idée de ne plus simplement "regarder", mais de "vivre avec" la célèbre figure si énigmatique de Léonard de Vinci, qu'en 2015 est apparu le projet "Living Joconde", précurseur de cette hybridation technologique. Ce travail est dû à un projet de recherche mené par l'Institut de l'Internet et du Multimédia (IIM) en partenariat avec l'école de design de Strate. Sous la direction de Jean-Claude Heudin, Florent Aziosmanoff fait parti de l'équipe du projet.
Le projet tire parti des compétences des partenaires en matière d’installation interactive, de robotique et d’intelligence artificielle, de mécatronique, de design d’objets connectés et communicants. Outre les défis en terme d'animation haute-définition, de perception de l'environnement, de mécatronique, etc., j'ai un intérêt tout particulier pour le moteur « central » des dispositifs puisqu'il s'agira d'un module d'intelligence artificielle mettant en œuvre un « métabolisme émotionnel » capable de donner « vie » à la célèbre peinture de Léonard de Vinci.
-Jean-Claude Heudin,
En utilisant des réseaux de neurones pour animer le visage de Mona, les chercheurs lui ont permis de sourire, de tourner la tête et même de parler ! Cette expérimentation a montré comment l’IA pouvait rendre les œuvres d'art dynamiques tout en respectant l’essence de l’original.
Les Technologies Sous-Jacentes : L'IA au Service de l'Immersion Artistique
Les réseaux GANs (Generative Adversarial Networks)
Les GANs jouent un rôle crucial dans la création de tableaux vivants. Cette technologie repose sur deux réseaux neuronaux qui s’affrontent : l’un génère des images et l’autre évalue leur réalisme. Grâce à ce processus, les GANs peuvent générer des animations très réalistes à partir de simples images statiques.
Le Deep Fake et son adaptation à l’art
Initialement développé pour la création de vidéos truquées, le Deep Fake est aujourd’hui utilisé pour animer les œuvres d'art. Cette technique permet de superposer des mouvements faciaux sur un portrait, créant ainsi l’illusion que le personnage du tableau bouge et s’exprime. Bien que controversée dans d’autres domaines, cette technologie ouvre des possibilités fascinantes pour l’art. Le potentiel de cette technologie s'adresse largement, l'article "AI is Awfull" traite une partie de ce sujet sous le prisme cinématographique, mais il est vrai que les technologies Deep Fake sont facilement transposables à des oeuvres picturales afin de leur insuffler une illusion de vie.
L'IA générative : Créer des mouvements à partir de rien
L’IA générative ne se contente pas de reproduire des mouvements connus ; elle peut aussi en créer de nouveaux. Par exemple, dans un tableau où aucune action n’est représentée, l’IA peut imaginer et générer des mouvements réalistes, comme le bruissement des feuilles ou le clapotis de l'eau, rendant ainsi l’œuvre plus immersive.
Illustrant cet usage, des musées expérimente cette technologie à travers le monde afin d'offrir des visites immersives. L'exposition "Van gogh Alive" est emblématique, donnant vie aux toiles du peintre sous forme de projections animées à grande échelle.
-Exposition "Van Gogh Alive"
Expériences Immersives et Nouvelles Interactions avec les Œuvres d'Art
Une nouvelle forme de contemplation
Que peut apporter l'animation dans l'art ? Donner vie aux oeuvres figées change radicalement la manière de la percevoir et de la contempler. Un tableau qui "prend vie" devant les yeux du spectateur crée une interaction émotionnelle beaucoup plus forte. Par exemple, un paysage animé peut transporter le spectateur dans une autre époque, lui faisant ressentir le vent, entendre le chant des oiseaux, ou voir les nuages se déplacer. L'oeuvre rend son immersion plus simple, prenant par la main les spectateurs, pour les plonger dans son univers. Cela permet de rendre accessible à un peu grand nombre la relation émotionnelle à l'oeuvre, brisant les barrières élitiste, esthétique ainsi que générationnelle.
Personnalisation de l'expérience artistique
L’IA permet également de personnaliser l'expérience artistique. En fonction des réactions du spectateur (capturées via des caméras ou des capteurs biométriques), l'œuvre peut adapter ses animations pour correspondre à l'état émotionnel du visiteur. Un tableau pourrait ainsi sourire plus largement ou afficher une expression plus sereine en réponse à l’observation prolongée d’un spectateur.
Défis et Perspectives : L'Art Vivant, Entre Innovation et Éthique
La question de l'authenticité
Animer un tableau pose une question cruciale : celle de l'authenticité. À quel point peut-on modifier une œuvre sans trahir l’intention de l’artiste original ? Si un portrait animé commence à parler ou à bouger, est-ce toujours l'œuvre de l’artiste ou bien une création entièrement nouvelle ? Ces questions nécessitent une réflexion approfondie sur les limites de l’utilisation de l’IA dans l’art.
Les enjeux légaux et éthiques
L'animation des œuvres d'art soulève aussi des enjeux légaux. Qui détient les droits sur ces créations animées ? Les musées, les développeurs d'IA, ou les ayants droit des artistes ? De plus, le recours à des technologies comme le deepfake pour animer des œuvres d'art pourrait entraîner des dérives, notamment dans la reproduction non autorisée d’œuvres protégées par le droit d’auteur.
L'avenir des tableaux vivants
L’avenir des tableaux vivants semble prometteur. Alors que les technologies continuent de s'améliorer, on peut imaginer un monde où chaque œuvre d'art, qu’elle soit numérique ou physique, possèdera une dimension animée, transformant les musées en espaces d’expériences multisensorielles. Cela pourrait également influencer la création artistique elle-même, avec des artistes concevant directement des œuvres intégrant des animations générées par l’IA.
Conclusion
Les tableaux vivants, rendus possibles par l'intelligence artificielle, marquent une étape significative dans l'évolution de l'art et de la manière dont nous interagissons avec lui. En animant des œuvres statiques, l’IA nous permet de redécouvrir l’art sous un nouveau jour, en le rendant plus immersif et interactif. Bien que cette innovation pose des questions sur l’authenticité et l’éthique, elle ouvre également la porte à des expériences artistiques inédites, transformant les musées et les galeries en lieux où l'art est non seulement vu, mais aussi vécu. L’avenir de l’art pourrait bien être plus vivant que jamais.
Pérégrination personnelle
Alors que je préparais cet article, au cours de mes pérégrinations, je suis tombée sur cette vidéo "Terrasse de café la nuit" de Van Gogh, présentée comme une création générée par IA.
"Terrasse de café la nuit" de Van Gogh - Andrey Zakirzyanov
Le résultat, saisissant, m'a très vite mise mal à l'aise : pas d’hallucination, une netteté propre et maitrisée, de l’animation sur les divers éléments, une compréhension fine des plans et de la structure 3D sur le médium 2D de la peinture, le mouvement de caméra est fluide, les éléments des différents plans sont aisément et justement interprêtés, la plongée dans la toile était impressionnante. Sceptique et fascinée par cette découverte, je me suis mise à enquêter sur le "comment" cette vidéo avait été générée, dans le but d'en réaliser une moi-même afin d'illustrer mes propos au cours de ma narration. Quelle n'en fut pas ma surprise que de confirmer mes craintes : l'IA n'est pas en mesure de générer une vidéo d'une telle justesse.
Je me doutais que, seule, l'IA ne pouvait être aussi précise à ce jour, et j'estimais qu'il y avait un important travail de post-production afin de rendre tout cela crédible. C'est ainsi que j'ai contacté Hugo Mine, animateur 3D, afin de m'aider à desceller le travail à entreprendre. Il m'a très vite débunké toute la situation, mettant en exergue la création d'Andrey Zakirzyanov, artiste 3D. Il s’agit bien d’une création 100% humaine. Ce que vous pouvez admirer, c’est un travail d’animation colossal pour réaliser ces petits “chef d’œuvre” qui rend les tableaux de grands maitres si vivants. Ce travail d’orfèvre provient de la main de l’homme, et il est important de garder un œil critique sur le développement de l’outil qu’est l’intelligence artificielle face au travail de créativité et le regard artistique que la machine ne nous enlève pas.
Si le propos initial du post sur lequel je suis tombée était de montrer comment l’IA peut rendre immersive notre expérience muséale, force de constater que l’homme y parvient également très bien.
L’IA est un fabuleux outil, mais cessons de l’idéaliser et de discréditer le travail d’artistes, d’animateurs, d’illustrateurs, de graphistes (et j’en passe) qualifiés, avec une véritable approche créative et une direction artistique personnelle. Il est important de garder l’esprit ouvert et un sens critique fin pour s’assurer de ne pas accepter toutes les dérives de communication (volontaire, ou non) et créer une illusion de la représentation de l’IA. Et je le confesse, je n'ai malheureusement pas les compétences pour vous présenter un si beau résultat, le tout généré par l'IA, car à ce jour, il n'y en a aucune assez puissante pour permettre de le faire. "Demain, peut-être" mais avec des "si", nous referions le monde, et je préfère me cantonner à du factuel, plutôt qu'à des prophéties.
Gardez un oeil attentif et un esprit critique : l'IA ne peut pas tout faire, et bien que certains le clâment, il y a parfois un peu trop d'enthousiasme mêlé à un manque de volonté de confirmer ces sources, qui peut rapidement faire un effet boule de neige sur notre "illusion de compréhension des technologies".
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